Il est temps d’agir : le Québec doit prioriser l’accessibilité aux services de garde pour les mères en situation de handicap
Par Valérie Grand’Maison
Cette semaine, je célèbre le premier anniversaire de ma fille, une enfant curieuse, pleine d'énergie et sensible. La lumière de ma vie. C’était mon rêve de bâtir une famille : ça fait plus de dix ans que je pense aux implications d'élever un enfant en situation de handicap, en tant que mère en situation de handicap. Je vis avec une déficience visuelle due à une maladie appelée maladie de Best, qui est une forme de dégénérescence maculaire, une maladie autosomique dominante. Ça veut dire qu'il y a 50 % de chances que ma fille vive avec la même maladie. De nombreuses personnes, en particulier des médecins, ont m’ont jugé, de façon très explicite, pour ma décision d'avoir un enfant qui pourrait vivre avec mon handicap - et j'ai dû, à maintes reprises, me défendre et défendre le droit de vivre de mes futurs enfants avant même qu'ils naissent.
Et je dois continuer de me battre mon défendre mes droits et ceux de ma fille pour trouver des services de garderie accessibles et abordables.
Ça prend bien de l’habileté de la part de tout nouveau parent pour naviguer dans le système de services de garde au Québec. En plus que le système suppose que les parents sont tous pareils et n'ont pas de besoins particuliers : ils peuvent se déplacer facilement, ils ont le temps, l'énergie et la capacité de lire et de comprendre les politiques et les processus (écrits en français), et ils peuvent communiquer avec les professionnels de la garderie en français. De nombreux parents ne répondent pas à ces exigences : les mères et parents en situation de handicap, y compris les parents neurodivergents, ainsi que les parents immigrés, ou qui n'ont pas le soutien nécessaire pour prendre le temps de comprendre le système de services de garde. Et une fois que nous obtenons une place dans un centre d'éducation à la petite enfance (CPE) ou garderie, il arrive souvent que cette place ne soit pas accessible aux personnes ayant tout type de handicaps ou de besoins. À Montréal, par exemple, de nombreuses garderies sont situées dans de vieux bâtiments, avec des marches pour entrer dans le bâtiment et à l'intérieur du bâtiment, sans ascenseurs ni rampes, l’espace y est petit et difficile à naviguer et la communication avec les éducatrices est principalement informelle - ce qui signifie que les accommodations quant à la communication peuvent ne pas être pris en compte.
Je vis au Québec et je suis très chanceuse d'avoir accès à des services de garde abordables : cela me permet de travailler et soulage notre famille d'un stress financier.
Mais, en tant que mère en situation de handicap, je me sens oubliée dans le système de services de garde. Nous pouvons et devons faire plus au Québec pour inclure pleinement les diverses familles, en particulier les mères, parents et enfants en situation de handicap. En effet, en 2020, le vérificateur général du Québec a déclaré que les familles qui vivent dans la précarité économique et celles qui ont des enfants en situation de handicap rencontrent encore à des obstacles pour accéder au Centre de la petite enfance, financé et réglementé par l'État, et qu'en conséquence, ces familles risquent de ne pas recevoir des services de garde de la même qualité et de subir un plus grand stress financier lié à la garde des enfants. Les obstacles à l'accès à des services de garde inclusifs alimentent d'autres inégalités auxquelles sont confrontées ces familles, comme les obstacles à l'emploi, les faibles revenus, les logements inadéquats ou inabordables et l'insécurité alimentaire.
Le Québec est le pionnier en matière de services de garde de qualité à prix abordable au Canada et il est temps que nous soyons les pionniers en matière d'accessibilité pour tous aux services de garde. Les parents en situation de handicap doivent être prioritaires pour l'accès aux CPE et tous les centres éducatifs de la petite enfance doivent être conçus pour répondre à une grande variété de besoins en matière d'accessibilité.
Plus précisément, le guichet d'accès aux places en service de garde au Québec, La place 0-5, devrait demander les besoins et les handicaps des parents et donner la priorité à l'accès aux parents en situation de handicap. Par exemple, les parents ayant des limitations de mobilité ou des déficiences visuelles peuvent trouver qu'il est plus difficile de faire des plus longues distances pour aller à la garderie : les services de garde devraient offrir la priorité aux parents ayant ces besoins lors de l'attribution des places pour faciliter leur voyagement. En ce qui concerne les besoins de communication : les parents doivent être en mesure de naviguer dans le système et de contacter les garderies en LSQ ou avec l'aide d'un interprète. De plus, la conception universelle devrait être obligatoire pour les garderies : elles doivent être physiquement accessibles aux personnes avec une grande variété de limitations afin de s'assurer que les mères et les parents en situation de handicap se sentent inclus et accueillis.
Priorisons l'accessibilité dans les garderies au Québec. C’est la seule façon de mieux soutenir les mères en situation de handicap et leurs enfants, ainsi que les familles diverses qui habitent au Québec. Notre province se doit de continuer à être un exemple pour le reste du Canada en matière de soutien à toutes les familles pour des systèmes de garde accessible.
Valérie Grand'Maison est Gestionnaire et associée de recherche chez DAWN Canada. Chercheuse, activiste et mère, elle est candidate au doctorat en sociologie à l'Université de Guelph.