13 novembre 2020

Blogue sur l’identité autochtone et le handicap

Blogue sur l'identité autochtone et le handicap

par Melanie Marsden

 

 

 

En réfléchissant à ce billet de blogue, il m’est venue à l’esprit que c’est important pour moi que les lecteurs comprennent le handicap et l’identité autochtone en contexte, leurs intersections et les raisons pourquoi cette conversation est si importante.

Pour ce faire, je vais me pencher sur mon passé, mon présent et mon avenir. J’y tresserai quelques enseignements que je possède et qui m’ont toujours guidée et j’intégrerai un cadre de justice sociale que j’utilise pour faire valoir mes droits. On m’a appris à me présenter d’abord en donnant mon nom autochtone, ma tribu et mon clan puis en honorant celles et ceux qui m’ont précédée.

Je m’appelle Melanie Marsden-Meyers, mon nom autochtone est « Elle porte la femme de lumière ». Je suis inscrite auprès de la Première Nation Aldervill, je suis Mohawk et Ojibwé et je suis le clan de l’ours. Je transmets ma gratitude aux sept générations qui sont venues avant moi et je rends honneur aux créatures de cette terre et à tous nos enseignements.

Je suis la deuxième plus jeune d’une famille de huit. Ma mère était Mohawk et mon père était Ojibwé.

En 1964, lorsque je suis née, le gouvernement appelait les peuples autochtones le « problème indien ». Les femmes autochtones n’avaient aucun statut. Nous n’avions pas le droit de pratiquer nos traditions, d’assister à des cérémonies ou même de dire que nous étions autochtones. « Nous devons nous débarrasser du problème indien. » C’était la principale préoccupation du gouvernement.

Quand je suis née, j’étais « normale », mais je suis née avant terme. Étant prématurée, j’ai été placée dans un incubateur et on m’a administré des niveaux élevés d’oxygène pour pouvoir respirer parce que mes poumons et mes yeux n’étaient pas complètement développés. À l’époque, les médecins ne connaissaient pas les dommages que causeraient des niveaux élevés d’oxygène. Les médecins s’efforçaient de me garder en vie, car je pesais une livre onze onces et demie. À neuf mois, mes parents ont découvert que j’étais aveugle. J’ai une rétinopathie des prématurés.

Ma cécité n’est pas héréditaire. Elle a été causée par des niveaux trop élevés d’oxygène. Certaines personnes dans ma communauté disaient « Elle est aveugle parce que ses parents ont fait quelque chose de mal dans une vie antérieure. » Depuis, j’ai appris que les familles autochtones ont besoin que leur communauté les soutienne lorsqu’elles vivent des traumatismes plutôt que d’être humiliées ou qu’on ignore les personnes qui sont aveugles. Il est important de se rappeler ici que je n’ai pas été élevée avec les traditions, les cérémonies ou les enseignements qui auraient pu guider ma famille. J’ai choisi de trouver des aînés, des gardiens du savoir ou d’autres personnes pour apprendre mes traditions. Et ces traditions que j’allais apprendre devraient tenir compte de ma cécité.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai choisi de trouver des aînés, des gardiens du savoir et d’autres personnes pour m’enseigner les traditions et les enseignements, même si c’est petit à petit.

Tout au long de ma scolarité, j’ai fait face à des obstacles comportementaux. J’ai été mal traitée de la part de plusieurs enseignants. J’ai entendu des propos offensants et des mots familiers. J’ai vécu de l’exclusion. « Elle n’arrivera jamais à rien dans la vie, c’est juste une Indienne. » « Tiens, voilà Hiawatha. » « Elle n’arrivera jamais à rien parce qu’elle est née du mauvais côté de la track. » La colonisation à son meilleur.

En grandissant, je ne savais pas comment réagir à ces situations. Je ne savais pas comment honorer mes identités de personne autochtone en situation de handicap. Personne de ma communauté autochtone n’avait été élevé avec des traditions qui auraient pu permettre de s’identifier à la cécité et à l’identité autochtone. La roue de médecine enseigne aux Ojibwés et aux Mohawks à vivre une vie équilibrée en prenant soin de leur bien-être spirituel, physique, émotionnel et intellectuel. Ça aurait été formidable d’avoir ces connaissances et ces pratiques afin d’apprendre à me développer en honorant toutes mes identités.   Je grandissais sans traditions et sans enseignements qui auraient pu me soutenir émotionnellement et spirituellement. La seule sortie de classe que nous avons fait qui avait un lien avec l’histoire était à Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons. Nous avons fabriqué des sabots et des serpents à neige. C’était génial de les confectionner, mais je ne comprenais toujours pas pourquoi et comment je pouvais me les approprier dans ma vie.   

J’ai été acceptée au programme de baccalauréat en travail social de l’Université Carleton. C’est à l’Université Carleton que j’ai eu le privilège de suivre mon premier cours sur l’identité autochtone avec le professeur Gord Brier. Mon parcours à travers mes identités croisées d’autochtone et de personne en situation de handicap a commencé. Penser à cette expérience me fait encore chaud au cœur.

J’ai adoré les cercles de discussion. J’ai pu apprécier les politiques et j’ai particulièrement aimé en apprendre davantage sur le Livre blanc. L’objectif n’était pas de prendre des notes, mais d’écouter les barrières que le livre blanc avait créées pour les peuples autochtones. Notre professeur disait : « Ce dont vous devez vous souvenir, c’est qu’en tant que peuples autochtones, nous honorons nos traditions orales. » Pour la première fois dans mon expérience académique, je me sentais comme si j’étais sur un pied d’égalité avec les autres élèves sans handicap de ma classe parce que je pouvais m’identifier aux informations qu’on nous apprenait sur notre « moi » spirituel, émotionnel, intellectuel et physique.

Alors que je terminais mon diplôme en travail social, j’ai eu le privilège d’apprendre les enseignements de Moana Staats.

Moana et moi avons eu de nombreuses conversations sur les traditions, ce que sont les traditions orales, comment prier et comment organiser des cérémonies en utilisant des remèdes traditionnels,  

Pour plusieurs raisons, les plumes déclenchaient une réaction négative en moi. Moana m’a aidé à trouver un moyen de contourner ce problème. Moana m’a donné des pierres et une femme en cèdre, ou des glands que nous avons utilisés pour parler au créateur.

Ma difficulté au sein des communautés autochtones élargies est que je n’ai pas l’air autochtone et que je n’avais jamais assisté à des cérémonies. Je sentais que je n’avais pas le droit de faire partie de ma propre culture. De nombreuses personnes au fil des ans m’avaient dit que ma famille avait été maudite parce que j’étais aveugle.

Moana et mon professeur me répétaient constamment d’honorer qui je suis et que j’ai le droit d’apprendre mes traditions et mes enseignements. Et que je suis un cadeau du créateur.

On m’a dit que le problème, c’était l’incapacité des gens à me voir pour qui je suis, et que certains membres de la communauté des personnes en situation de handicap appelaient cela du capacitisme.

En participant à des pow-wow, à Toronto, et en apprenant quelques enseignements, je me suis rendu compte que ce serait à moi d’essayer de trouver un équilibre dans ma vie et de trouver une paix intérieure dans mon esprit.

Cela signifiait rechercher des personnes pour m’enseigner mes traditions et apprendre à honorer qui je suis en tant que personne autochtone en situation de handicap.

Je suis maintenant heureuse de dire que j’ai un nom autochtone, « Elle porte la femme de lumière », qui m’a été donné par un guérisseur et un aîné nommé James Carpenter.

J’ai un plein statut, ce qui dans de nombreuses communautés prouve au moins votre héritage. Cette identité culturelle est importante, car je peux alors la transmettre à mes trois enfants et à ma petite-fille.

Au cours de ma carrière, j’ai eu le privilège de coordonner plusieurs projets avec une aînée fantastique nommée Evolyn. Evolyn est une aînée qui est venue et qui a enseigné à certains d’entre nous comment faire des offrandes de tabac à donner aux aînés lorsque nous cherchons du soutien. Plusieurs personnes dans groupe étaient en situation de handicap et avaient des origines autochtones. Pour la première fois de notre vie, nous avons pu entendre ces enseignements et pratiquer la création d’offrandes. Evolyn a modifié son enseignement, car certaines femmes avaient des handicaps physiques.   

Au cours de ma vie professionnelle, en tant que travailleuse sociale, j’ai commencé à trouver des occasions d’apprendre à relier le handicap et l’identité autochtone. J’ai eu l’occasion de faire partie du projet Expanding the Circle avec l’Université York. L’une des tâches était de mettre sur pied un groupe d’experts autochtones en situation de handicap pour entamer une conversation sur la façon dont les personnes autochtones et en situation de handicap peuvent en apprendre davantage sur nos traditions et comment nous pouvons être plus impliqués.

Au cours de cette conversation, nous avons tous partagé des histoires sur l’impossibilité d’assister à des événements qui ne sont pas accessibles en fauteuil roulant ou, comme personne aveugle, l’impossibilité d’amener mon chien-guide à la cérémonie.

Nous avons commencé à discuter de notre volonté d’assister à nos cérémonies en ajoutant que nous ne savions pas comment et que nous voulions quand même honorer les prodigues.

Jusqu’à maintenant, j’ai eu l’honneur d’assister à un pow-wow en février à l’Université Ryerson. L’un des bénévoles et moi avons non seulement participé à la cérémonie, mais pour la première fois de ma vie j’ai dansé en cercle avec le bénévole. Dans mon parcours, je continuerai à honorer qui je suis en tant que personne autochtone en situation de handicap et à amener avec moi des personnes capables de poser les questions dont nous avons besoin.

J’ai eu l’honneur de coanimer la conversation entourant la Loi canadienne sur l’accessibilité avec une autre personne autochtone et j’avais peur de ne pas être assez autochtone. Les consultations se sont plutôt bien déroulées et ce fut une très belle leçon d’humilité en compagnie de Wanda. 

C’est épuisant de devoir constamment prouver que je suis « assez ». En même temps, beaucoup de gens m’ont maintenant dit que c’était mon droit.

Je suis sûre que je ne suis pas la seule personne qui a eu de la difficulté avec cette identité. Dorénavant, je suis heureuse d’aller chercher des conseils, d’apprendre des aînés et d’assister un jour à une cérémonie de la suerie.

Les prochaines étapes : inclure les femmes autochtones et en situation de handicap dans les cercles de conversations, avec les chefs, les aînés, les gardiens du savoir;

Permettre aux femmes autochtones et en situation de handicap de faire l’expérience des traditions en offrant de mon temps comme on le fait traditionnellement pour qu’on vous voie davantage dans la communauté;

Occuper des positions de pouvoir dans les collèges et les universités ou dans les organismes à but non lucratif afin que les plus jeunes voient et apprennent que les personnes autochtones en situation de handicap peuvent travailler et vivre dans nos sociétés.

Peut-être que nous faisons les choses un peu différemment, mais nous pouvons tous travailler ensemble.

C’est assez facile d’avoir des conversations. Ce qui est plus difficile, c’est de passer aux étapes suivantes qui nécessitent des actions concrètes.

J’espère être acceptée dans le programme de maîtrise en travail social à l’Université de Waterloo pour le volet autochtone.