19 novembre 2020

Faire face au handicap en se connectant à la culture

 

Faire face au handicap en se connectant à la culture 
par Deseray Rich

 

Portrait of Deseray Rich, an Innu and Inuk woman

 

Je m’appelle Deseray et je suis Innue et Inuk. J’ai grandi dans une petite ville du Labrador. Je n’ai pas été élevée par mes parents. On m’a pris quand j’étais bébé et c’est mes arrière-grands-parents qui m’ont élevée jusqu’à leur décès. Ensuite, j’ai passé mon adolescence dans le système. Durant ces années, mon éducation a été instable et c’est ce qui, je crois, a contribué à l’un de mes handicaps. Je suis dépressive et je fais de l’anxiété. Je fais aussi du diabète de type 2.

Quand j’étais à l’université, on m’a diagnostiqué un trouble d’anxiété sociale et une dépression. Ça m’a complètement bouleversée, car c’était la première fois que je faisais une tentative de suicide. J’étais sous le choc d’avoir pensé à ça. Après cette tentative, je savais que j’avais besoin d’aide. J’étais sur une liste d’attente pour voir un thérapeute depuis plusieurs mois, mais j’avais besoin d’aide tout de suite. J’ai pris rendez-vous chez un médecin pour parler de médicaments. Je n’avais jamais pris de médicament auparavant, donc c’était nouveau pour moi. Malheureusement, ce médecin n’était pas très doué pour soigner les troubles de santé mentale, alors il m’a prescrit des Ativans à prendre tous les jours pour contrôler mon anxiété sociale, ce qui a aggravé les choses. Les Ativans ne sont censés être utilisés qu’à court terme, et je les prenais presque tous les jours juste pour me sentir normale devant les gens. Après un moment, je me suis sentie comme un zombie et j’ai fait une autre tentative de suicide. J’ai changé de médecin qui m’avait été recommandé par un ami proche, et il m’a prescrit un antidépresseur qui m’a aidé presque immédiatement. Je me sentais tellement mieux et je sentais que je pouvais redevenir moi-même. J’ai persévéré et j’ai obtenu du soutien. Il fallait seulement que je le demande, ce qui était très difficile. Après des semaines passées au lit à éviter de faire face à la vie ou aux gens, j’ai réussi à terminer l’université et à obtenir mon diplôme en criminologie. Ça a été difficile et j’ai fait des efforts comme jamais auparavant, mais j’ai réussi. Et j’étais si fière de moi.

Les années suivantes, j’ai eu des rechutes de dépression et j’en fais toujours. Mais je gère beaucoup mieux mon anxiété sociale. Il m’arrive encore de passer une semaine à dormir sans arriver à me lever pour faire mes tâches quotidiennes, mais je finis par me relever et trouver la force de continuer parce que j’aime la vie et que je veux vivre. Toutefois, j’ai parfois de la difficulté à avoir de l’espoir et à m’aimer à cause de la dépression et de l’anxiété. J’ai subi beaucoup de traumatismes, mais j’aime toujours la vie et j’ai un travail incroyable que j’adore.

En 2017, j’ai reçu un diagnostic de diabète de type 2. Cette nouvelle a, elle aussi, été un choc pour moi et ça a certainement joué un rôle sur ma santé mentale. Quand j’étais en dépression, je commandais souvent des plats à emporter et j’évitais de cuisiner. Je mangeais souvent mal et je pense que ça a contribué à mon diagnostic de diabète. On m’a prescrit un médicament appelé « metformine » ainsi que deux autres médicaments pour mes reins et mon hypercholestérolémie. Le diabète de type 2 est une maladie chronique avec laquelle je vivrai pour le reste de ma vie, mais on peut le contrôler. Il m’arrive souvent de bien manger. Toutefois, lorsque je retombe en dépression, je mange souvent mal parce que je n’arrive pas à faire mes tâches courantes, comme cuisiner et prendre mes médicaments à la bonne heure. Pendant une dépression, je dors souvent toute la journée et je prends mes médicaments en retard, ce qui empire les choses. C’est vraiment difficile d’être dépressive, de faire de l’anxiété et de faire du diabète, mais je me débrouille. Et j’essaie de ne pas être trop dure avec moi-même, parce que je sais que ce n’est pas facile de vivre avec ces maladies, et que d’autres personnes sont dans le même bateau que moi.

Comment est-ce que j’arrive à vivre avec ces handicaps? J’ai un thérapeute à qui j’aime parler. Je lui parle surtout de mes défis quotidiens et de mes projets d’avenir. Je pratique également ma culture et mes traditions. Me tourner vers ma culture m’a aidé à bien des égards. J’ai trouvé mon identité, en tant qu’Innue et Inuk. Je pratique la cérémonie de purification en brûlant de la sauge et j’ai ma propre plume d’aigle — qui m’a été offerte par un ami proche. J’aime aussi faire des boucles d’oreilles perlées, être dans la nature et apprendre l’inuktitut. Je me suis inscrite à un cours de langue en ligne organisé par Montréal autochtone.

Si j’ai un conseil à donner à quiconque est aux prises avec l’un de ces handicaps ou les deux, c’est de persévérer et d’aller chercher du soutien. Rapprochez-vous de votre culture et ne soyez jamais durs avec vous-même. Vous êtes importants et vous êtes à la hauteur.

 

Deseray Rich est militante innue et inuk pour les droits des peuples autochtones et la justice sociale.