Briser les préjugés : repenser le statut social et la condition des femmes en situation de handicap au Canada
Comme femme en situation de handicap atteinte de paralysie cérébrale née dans les années 1980, j’ai probablement évité l’institutionnalisation de justesse et j’ai également bénéficié de l’intégration dans une école régulière. Aussi, j’ai pu trouver des modèles dans la communauté des personnes en situation de handicap grâce à l’apparition d’organismes de personnes en situation de handicap ainsi qu’à des militantes et leaders féministes en situation de handicap comme Bonnie Brayton de DAWN. Les femmes en situation de handicap font de la place à d’autres femmes en situation de handicap et élèvent leurs messages. De plus, les efforts des organisations de personnes en situation de handicap comme DAWN ainsi que le mouvement de la vie autonome ont préparé le terrain pour que moi et d’autres femmes en situation de handicap puissions exercer notre pouvoir, que nous soyons assises, debout ou couchées.
Cependant, il reste du travail à faire.
En réfléchissant au thème de la Journée internationale des femmes de cette année, Briser les préjugés, je suis appelée à me pencher sur ma propre expérience en tant que femme vivant avec un handicap. Les gens qui sont impressionnés quand quelqu’un comme moi accomplit des tâches banales ou bien qui remettent mon existence même en question me fascinent. Lorsque je suis seule, on me demande si je suis accompagnée et où se trouve mon aidante ou ma préposée. Les gens sont souvent surpris que je travaille, que je vive seule et que j’aie des ami-es. J’ai remarqué que mes ami-es sans handicap se font poser des questions bien ordinaires, comme ce qu’elles et ils font dans la vie ou à quel endroit elles et ils habitent. Pour ma part, on me demande comment j’occupe mes journées et qui prend soin de moi. Quand je réponds que j’occupe mes journées en travaillant et que je prends soin de moi par moi-même, la réponse est souvent « Bravo! »
Même si on peut comprendre ces situations en se disant que certains sont simplement ignorants ou que ce n’est qu’une poignée de personnes, chacun passe toujours par sa propre expérience vécue pour comprendre le monde. La confusion régulière de personnes quant à ma participation au monde en tant que femme en situation de handicap permet de constater à quel point les femmes en situation de handicap sont effacées des activités quotidiennes. Bien que cela arrive aux femmes en général, p. ex. aux femmes occupant des postes de direction ou dans des carrières à prédominance masculine, l’effacement des femmes en situation de handicap est presque omniprésent. Même les rôles dits « traditionnels » des femmes sont censés être trop complexes ou inappropriés pour une femme en situation de handicap. On ne les considère même pas comme mères, partenaires ou soignantes. Michelle Fine et Adrienne Asch (2018), chercheuses dans le domaine du handicap, caractérisent ce que vivent les femmes en situation de handicap comme une « absence de rôle ». Elles reconnaissent que la valeur des femmes sans handicap dans la société est limitée ou réductrice, ce qui peut les confiner à des rôles de soins, de beauté ou de soutien, mais les femmes en situation de handicap ont même du mal à être perçues en tant qu’humaines ou en tant que femmes. Les femmes en situation de handicap sont invisibles dans la vie de tous les jours. Malgré le chemin parcouru et des mouvements historiquement forts, les femmes en situation de handicap sont absentes des pensées de la majorité lorsqu’on réfère aux femmes en général.
Trois façons de #BriserLesPréjugés
Vous êtes une personne en situation de handicap :
Sachez que vous avez du pouvoir, connaissez votre valeur! Prenez votre place et faites-le comme vous le voulez. Mobilisez-vous en ligne, écrivez un éditorial, rejoignez un groupe de justice ou permettez-vous de vous reposer. Être heureuse et épanouie avec un handicap est un acte radical!
Vous ne vous identifiez pas comme une personne en situation de handicap :
Lorsque vous rencontrez une personne vivant avec un handicap, tenez ses compétences et sa valeur pour acquises. Lorsque vous interagissez avec une personne en situation de handicap, posez des questions que vous aimeriez que l’on vous pose à vous. Fondez votre relation sur une compréhension et des valeurs partagées, plutôt que sur la pitié ou l’obligation. Dénoncez les suppositions capacitistes, renseignez-vous sur l’accessibilité, montrez l’exemple, agissez comme une connexion avec la communauté et soyez un-e allié-e.
Vous faites partie d’une organisation :
Adoptez des politiques qui prévoient et tiennent pour acquis que des membres de votre organisation seront en situation de handicap. Par exemple, organisez des réunions dans des lieux accessibles (même si personne ne l’a demandé) et intégrez l’accessibilité dans vos cahiers des charges. Embauchez des personnes pour animer, des artistes et d’autres commerçant-es qui représentent des groupes de la diversité ou en quête d’équité. Diversifiez votre membrariat et faites la promotion de vos politiques d’accessibilité.
Briser les préjugés, c’est d’abord les reconnaître. Demandez-vous pourquoi ils existent. Puis, forgez des pratiques individuelles, des espaces et des communautés qui les perturbent. La révolution commence maintenant.
Bonne journée internationale des femmes!
Samantha Walsh est la directrice nationale entrante de DAWN Canada et candidate au doctorat à l’OISE de l’Université de Toronto. Elle soutiendra sa thèse le 22 mars 2022. Les publications de Samantha portent sur les politiques d’accessibilité, sur la maternité en lien avec le handicap ainsi que sur ses propres récits de la vie avec un handicap.
Citations :
Fine, M., & Asch, A. (2018). Disabled women: Sexism without the pedestal. In Women and Disability (pp. 6-22). Routledge.