Sur le trouble déficitaire de l'attention et l'hypomanie
Par Zaya Solange
CW: mention de drogues et d'alcool, mention du système médical
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Alors que je suis allongée sur mon lit, des vapeurs d’huile essentielle de lavande flottent au-dessus de ma tête. De la musique relaxante joue en arrière-plan. Mes yeux se plissent devant la lumière de l’écran de mon téléphone. « C’est peut-être de l’hypomanie », me fait remarquer ma meilleure amie dans un message texte. Je n’ai pas dormi depuis deux jours. Mes entrailles grouillent d’électricité. J’ai l’impression que mon esprit pourrait jaillir de mon corps à tout moment. Cette sensation ressemble à ce que l’enfant intello et enthousiaste que j’étais ressentait la veille de mon premier jour d’école. Mais elle est un peu différente. Elle me donne envie de serrer les dents, de faire un grand sourire et de lever le poing dans un geste victorieux. Ou encore de courir un kilomètre en talons hauts et d’entrer dans une pièce « purse first », mais aucune chance que mon corps ne suive ces impulsions. La dernière fois que je suis plongée dans un sommeil profond remonte à plus de 48 heures. J’ai décidé de rester couchée une bonne partie de la journée même si le concept de somnolence est loin d’être une possibilité en ce moment.
Illuminée par la lumière bleue de mon téléphone, je quitte l’application de messagerie pour lire sur les symptômes et les déclencheurs de l’hypomanie, un problème décrit comme « de l’irritabilité ou de l’hyperactivité au-dessus de la normale, mais pas au point de provoquer une diminution du fonctionnement — la principale caractéristique qui la distingue de la manie ». Comme cet état est moins intense que la manie, cela pourrait expliquer pourquoi je ne l’avais jamais remarqué avant. Je me souviens qu’au secondaire je me réveillais à des heures bizarres, mais à l’époque on me disait que c’était de l’insomnie. Maintenant que je m’informe à ce sujet, je me rends compte que je n’étais peut-être pas une insomniaque « typique ». En plus des problèmes de sommeil, je reconnais d’autres manifestations chez moi de l’hypomanie : une agitation ou hyperactivité, une tendance à parler beaucoup, une distractibilité manifeste, des pensées ou des idées qui viennent en rafale, en plus du fait de prendre part à des activités qui peuvent avoir des conséquences sur moi, comme le jeu ou l’impulsivité sexuelle. Ai-je mentionné que j’ai eu un diagnostic de TDA l’an dernier? Ces soi-disant symptômes se confondent avec ceux du trouble déficitaire de l’attention, ce qui m’amène à me demander si j’ai reçu un mauvais diagnostic. Peut-être ai-je une combinaison des deux, mais cela fait-il une différence dans mon cas?
Les diagnostics tardifs sont courants chez les personnes qui ne sont pas des hommes. J’ai eu mon diagnostic de TDA à 27 ans. Apparemment, les jeunes filles ont tendance à mieux s’intégrer que leurs homologues, peu importe leur type de neurodiversité. Celle-ci passe souvent inaperçue. Puis, ajoutez à cela la culture noire et la façon dont elle néglige la santé mentale. Plusieurs de nos communautés nord-américaines sont encouragées à se tourner vers l’église pour prendre en charge ces problèmes. D’autres apprennent à ignorer ces problèmes et à carrément les réprimer. J’ai grandi dans l’église, mais, à ce moment-là, je n’avais pas besoin du Jésus des Blancs. J’avais besoin d’outils pour m’aider à fonctionner en tant qu’adulte dans une société qui, généralement, ne me soutient pas. Lorsque mon médecin de famille a mentionné le TDA, j’ai écarté cette idée assez vite. Peu de temps après, je suis revenue en courant pour demander des solutions. Pourquoi? Parce que j’étais allée à l’épicerie et j’étais rentrée sans mes courses ni aucune idée d’où elles étaient passées. Cette erreur m’a coûté cher, et je ne néglige jamais ainsi mes finances. Je me suis dit : « Allons chercher ces médicaments. » Habituellement, on utilise des stimulants pour réprimer les symptômes du TDA. Ironiquement, l’utilisation de stimulants peut être l’un des déclencheurs de l’hypomanie. *Soupir*.
Je n’ai donc pas dormi depuis plus de 50 heures, mais je n’ai aussi pas pris mes médicaments depuis plus d’un mois (ne le dites pas à mon médecin). En dehors des stimulants comme les drogues et l’alcool, quels sont les autres déclencheurs? De hauts niveaux de stress, des changements aux habitudes de sommeil et de nouvelles idées créatives peuvent agir comme des catalyseurs. Justement, vous ai-je dit que je travaillais sur un nouveau projet musical? Tout cela commence à avoir du sens, même si je sais qu’il ne faut pas s’autodiagnostiquer en attendant le livreur du resto au lieu de compter les moutons. Cela dit, je crois que je viens d’identifier mon plus récent déclencheur : mon âme sœur musicale. Elle et moi vivons l’excitation de notre romance créative naissante. Mais elle arrive quand même à dormir, elle.
Je vais devoir parler de tout ça à mon médecin, mais, pour l’instant, je ne vois pas ce problème comme quelque chose de négatif. En fait, je me sens plutôt bien. De toute façon, le monde des rêves ne doit pas être bien loin, encore moins quand j’aurai fini de m’empiffrer d’agneau bhuna. Peu importe quelle étiquette on me donne, je suis contente d’être qui je suis. Qui ne voudrait pas d’une heure supplémentaire, et même plus, dans une journée pour faire ce qu’on aime? Bien que l’expérience humaine ne soit pas toujours facile, je suis reconnaissante. Dans le pire des scénarios, j’écrirai de nombreuses chansons à l’issue de tout ça. Et avoir une étiquette de plus, ça me va. Comme Kendrick, je la rends sexy.
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Zaya Solange est une productrice de musique, interprète et catalyseure qui va en vacances sur Instagram. Elle est au naturel quand il s'agit de lancer des sorts et peut hypnotiser la plupart des mortels avec sa voix chantée