Accouchement et capacitisme
Maternité et femmes en situation de handicap: nous sommes prêtes, mais la société l’est-elle?
En cette semaine québécoise des personnes handicapées, j’aimerais mettre en lumière un droit trop souvent baffoué, soit celui de la maternité pour les femmes en situation de handicap. Toute une controverse fait rage en ce qui a trait au caractère intrinsèque de la maternité; est-ce un droit ou un privilège ? La réponse se trouve probablement entre les deux. Et pourtant, concrètement, nous faisons le choix collectif d’aider les mères se trouvant dans des situations de précarité et de marginalité. Il en est autrement pour les mères en situation de handicap. C’est que le capacitisme a le beau jeu …
Le capacitisme ? Oui, un mot semblable au racisme, au sexisme ou à l’âgisme. C’est un lot de croyances conscientes et inconscientes selon lequel une personne handicapée est moins digne d’être traitée avec respect et égard, moins apte à contribuer et à participer à la société ou moins importante intrinsèquement que les autres. En lien avec la maternité, le capacitisme infiltre les services de suivi de grossesse et de périnatalité. Il fait percevoir les femmes handicapées comme étant asexuées, dépendantes, incapables de s’occuper d’autrui. Contrairement à la plupart des femmes qui subissent des pressions sociales pour avoir des enfants, nous les femmes handicapées sommes sous pression de ne pas avoir d’enfants. Nous sommes un poids pour la société, et nous le sommes encore d’avantage en choisissant de mettre au monde un enfant. On décide pour nous que la tâche sera trop ardue et que la responsabilité incombera aux structures sociales de prendre soin de nos enfants.
Entre autre, le milieu médical est particulièrement propice à la perpétuation du capacitisme. Le handicap y est encore vu comme un manque auquel il faut pallier. Le handicap est peu connu, à la fois par les médecins, et le personnel infirmier. On ne sait trop comment composer avec, et donc le réflexe est de nous prendre en charge comme si nous étions atteintes d’une maladie chronique.
Lorsque nous sommes une mère en situation de handicap, le branlement de combat s’enclenche. On se questionne et on nous questionne sur nos facultés parentales tout comme notre capacité à mettre au monde un bébé parfait. On nous pose des questions qui frôlent l’indécence qu’on ne poserait pas aux autres mères. C’est que la vision de la femme handicapée asexuée, éternelle enfant et incapable de prendre soin de soi et des autres va à l’encontre de l’idée prédominante de capacité parentale et de capacité d’enfantement.
Pourtant au Québec, 4,8 % des ménages sont composés d’au moins un parent avec une incapacité, principalement motrice (58 % des cas).
L’infographie de DAWN Canada (Réseau d’action des femmes handicapées du Canada) sur la maternité et le handicap fait d’ailleurs la lumière sur les barrières auxquelles font face les femmes en situation de handicap, comme par exemple elles vivent la menace de perdre leurs enfants.
Il est temps que la société soit prête pour une conception inclusive de la parentalité!
Isabelle Boisvert, doctorante au doctorat en psychologie
Isabelle Boisvert est candidate au doctorat en psychologie communautaire à l’UQAM, au sein duquel elle s’intéresse à des parcours de vie de femmes handicapées physiquement ayant subi une agression sexuelle. Elle est militante depuis dix ans au sein d’organismes qui œuvrent pour la promotion des droits des femmes en situation de handicap. Membre de plusieurs conseils d’administration, dont Action Femmes Handicapées Montréal et la Fédération des Femmes du Québec, elle met à profit ses connaissances communautaires et universitaires pour contribuer à une justice et à une équité sociale pour toutes et tous.