
26 février 2025
Questions et réponses avec Kendra-Ann Pitt, chargée de cours dans le cadre du programme de travail social à l’Université St. Augustine dans les Antilles et partenaire académique de DAWN Canada
Comment votre travail reflète t il les intersections du patrimoine, du handicap et du sexe?
Mes projets récents et actuels portent sur le handicap et le sexe. Dans le cadre de l’un de ces projets, lequel est axé sur la violence fondée sur le sexe à l’égard des femmes caribéennes en situation de handicap, j’ai eu la chance de travailler avec une formidable équipe de femmes qui n’étaient pas toutes en situation de handicap. Notre travail mettait l’accent sur les considérations relatives au sexe, au capacitisme, au pouvoir et aux expériences vécues par les femmes en situation de handicap dans les Caraïbes. Pour moi, ces expériences ne peuvent être correctement comprises ou analysées sans une réflexion sur le patrimoine africain. Je crois que notre contexte sociopolitique, culturel et économique actuel – le contexte qui influe sur le handicap, le sexe et la violence – repose fortement sur nos expériences passées et actuelles des processus coloniaux. Pour les femmes noires (et pour les femmes d’autres identités racisées dans les Caraïbes), il est marqué par un nombre considérable d’enlèvements de même que par l’esclavage des Africaines et Africains, les logiques émergentes de la race, du handicap, du sexe, de la classe sociale et de leurs effets matériels, ainsi que le statut géopolitique toujours précaire de nos territoires. Pour qu’il y ait justice pour les femmes en situation de handicap dans notre région, il faudrait remédier à tout ce que cela implique.
Ces histoires de violence, de préjudice et de privation de droits devraient être reconnues pour ce qu’elles sont et de ce fait prises en compte. Il ne faudrait pas passer sous silence les actes de résistance, de survie et d’espoir qui y sont également imbriqués, qu’ils soient individuels ou collectifs. Je considère que les récits de femmes noires en situation de handicap qui vivent tout en étant confrontées à des formes interpersonnelles et structurelles de violence sexiste sont l’expression d’un héritage qui se réinvente au fil des générations.
Comment prenez vous soin de vous et comment faites vous preuve de résilience dans ces espaces qui marginalisent souvent les voix, les perspectives et les besoins des personnes noires?
En tant que femme noire, prendre soin de moi a été et continue d’être un parcours semé d’embûches. Il est difficile de prendre intentionnellement du recul lorsque j’en ai besoin. Je suis encore en train d’apprendre – et il semble que ce soit également le cas pour bon nombre de mes amies et collègues noires. Je pense que le fait d’être entourée d’un système de soutien honnête, de gens qui se soucient de mon bien être global et qui partagent mes valeurs, m’a encouragée à comprendre ce que cela signifie que de prendre soin de soi et à le mettre en pratique. Mais bon… soyons honnête… je n’y suis pas encore tout à fait!
Quels sont les partenariats ou les collaborations qui ont le plus contribué à faire avancer votre travail?
La possibilité de travailler en collaboration est un vrai cadeau. Les connaissances et l’expérience sont extrêmement riches dans ces espaces de travail et de vie, et j’y ai beaucoup appris. Travailler à partir des Caraïbes, cela signifie collaborer avec des partenaires d’autres territoires des îles, de tenir des conversations et de dessiner des stratégies, d’établir des partenariats diasporiques et d’examiner diverses questions de handicap telles qu’elles se présentent dans nos divers contextes. Nous devons également travailler avec des organisations communautaires dont le travail est axé sur des sujets autres, mais qui se recoupent. Les équipes dont je fais partie sont composées de membres en situation de handicap ou non, ainsi que de personnes de diverses identités de race, de sexe et de genre. Ces regroupements nous permettent de réfléchir collectivement à la manière d’opérationnaliser les principes de décolonisation axés sur la justice, à la fois dans les résultats de notre travail et dans nos processus de collaboration. Cela comporte une réflexion sur le pouvoir, la voix et les soins, alors même que nous nous efforçons d’atteindre l’équité dans notre pratique.